L'amour, le travail et la connaissance sont les sources de notre vie.
Ils devraient aussi la gouverner.
Wilhelm Reich

 

1938
A Annot, Alpes de Haute Provence, au bord d'une rivière (la Vaïre), dans une petite usine électrique, c'est là où naît Claude Troinle 16 juin 1938. Sa mère est couturière et son père est sous­marinier. L'enfant est élevé avec son frère aîné par sa mère, sa grand-mère et sa tante.

1943-1949
Sa mère s'installe à Annot, ouvre un atelier de couture. La guerre atteint le village. Premier contact sévère avec une société partagée entre les influences religieuses et laïques.

1950-1953                                          
Installation de la famille à Nice. L'école buissonnière de Claude se fait désormais au milieu des arbres du Château et au bord du ruisseau qui en dévale la colline. Il se réfugie avec beaucoup de candeur dans le dessin et la peinture, admirant les toiles sensuelles des vieux maîtres inconnus du "Marché aux puces", alors situé sur les rives du Paillon.

1954-1958
Gaude rêve de voyages mais il est encore trop jeune pour s'engager dans la marine.
En situation d'attente, il présente le concours d'entrée de l'Ecole nationale des arts décoratifs de Nice, auquel il est admis. Assidu, il travaille, dans ce cadre classique d'enseignement, le dessin et l'architecture. Il fréquente les ateliers de peinture de François Bret et de sculpture de Maurice Gambier, prix de Rome. Il y apprend le maniement de la matière, de l'outil, du volume et de la lumière. Maurice Gambier ne cessera jamais de lui prodiguer conseils et encouragements. En fin de cycle, Claude obtient le premier prix de sculpture et le second prix de dessin et d'architecture. Il s'intéresse davantage à l'Expressionnisme et, paradoxalement, aux compositions de Jacques Villon qu'aux propositions de Marcel Duchamp.
A cette époque (1957), il fréquente le magasin de Ben, situé rue Tonduti de l'Escarène. Il y rencontre François Fontan (1919-1979), "un homme seul, fort seulement d'une nouvelle doctrine politique, la dernière du XXe siècle, un "humanisme scientifique" : l'Ethnisme".
''La richesse d'une civilisation dépend en partie de la fréquence et de la variété de ses contacts culturels, et le progrès multiforme de l'humanité dépend pour une grande part de la diversité des cultures (permettant recherches, expériences et innovations dans tous les sens) et de la fréquence de leurs relations. Aucune culture ne possède de supériorité universelle.
Les civilisations européennes très avancées en certains points (techniques de la matière) et auprès desquelles les autres civilisa­tions ont énormément à apprendre sur ce terrain, peuvent être très arriérées sur d'autres (connaissance du fonctionnement et des possibilités de l'être humain). Si l'on juge une civilisation selon le degré de bonheur qu'elle procure, on peut penser que certains peuples amérindiens, sud-asiens, océaniens, sont plus civilisés que les Européens. Ce qui est progrès pour un peuple pouvant très bien ne pas en être un pour d'autres, seuls les participants d'une civilisation peuvent apprécier valablement ce qui constitue ou non un enrichissement pour cette civilisation et un progrès pour eux-mêmes; les membres d'une autre ethnie ne peuvent en juger qu'en fonction des conditions naturelles de leurs pays et des critères de leur propre civilisation …"  François Fontan, Ethnisme.

Claude s'ouvre aux questions politiques. II prend conscience de l'existence de son propre pays, l'Occitanie. II ressent fortement les secousses de la décolonisation (son frère est soldat du contingent en Algérie). Il s'implique pour l'indépendance des peuples berbère et arabe. En même temps, il découvre les travaux de Bronislaw Malinowski (1884-1942), de Margaret Mead, de Claude Lévi-Strauss, de Frantz Fanon et de Wilhelm Reich (1897-1957).

"Tout homme, en s'abandonnant au palpitant désir de savoir, dépasse ses peurs, les blocages, les angoisses qu'il sentait avant d'oser tutoyer l'enracinement de la raison dans la nature. Une peur semblable à celle du mille-pattes qui se trouvait paralysé du fait d'avoir réfléchi à la manière de se servir de ses nombreuses pattes." Wilhelm Reich.

1959-1960
Première participation à l'exposition de La jeune peinture médi­terranéenne (1959) (2). La toile exposée représente l'ombre d'une foule devant une vitrine illuminée (Grand magasin, 195,8). Claude décide de poursuivre sa formation à Paris, curieux de connaître les contradictions de la capitale. II pense alors s'inscrire aux Beaux-Arts, mais opte finalement pour l'Académie Julian. Recommandé par François Bret, il obtient un poste d'assistant dans l'atelier du peintre Claude Shurr. En 1961, il reçoit le prix de l'Académie Julian, accompagné d'une exposition à la galerie Suillerot à Paris et d'un achat de l'Etat et de la ville de Paris.

1961
Année mouvementée. Le sursis militaire de Claude est résilié. Incorporé dans un régiment à Hyères (Var), il est en situation de refus.
Immobilisé par une blessure à l'hôpital militaire de Toulon, il profite de ce temps de calme pour explorer et tirer parti des tra­vaux de Léonne Bourdel et Jacques Genevay dans le domaine de la psychobiologie et de l'ethnographie. li travaille sans succès à un vocabulaire formel.

1962
Gaude installe son atelier à Annot. li peint sur le motif de nombreux paysages.
A Nice, il retrouve François Fontan, l'historien-écrivain catalan Jordi-Ventura (promoteur de la renaissance politique et culturelle de la Catalogne), Jacques Ressaire, compagnon des causes politiques difficiles, Gilbert Accola, Daniel Chery ... Les amis artistes Ben Vautier, Marcel Alocco, Serge Oldenburg, Robert Erebo ... Premiers essais d'intégration de l'écriture dans la peinture. Participation à l'exposition de La jeune peinture méditerranéenne avec la toile Hommage à la Provence (qui sera de nouveau exposée à la troisième Biennale de Paris en 1963).
li fait la connaissance du peintre Emile Marzé, qui l'invitera à plusieurs Biennales internationales de Menton. Il rencontre également Michele Sapone, directeur d'une importante galerie d'art à Nice, Robert Pozun et Edmond Capelletti, amateurs d'art. Tous soutiendront avec constance ses travaux.

1963-1973
Nouveau contact avec Paris. Invité à participer à la troisième Biennale internationale de Paris (1963), il mesure l'écart. qui se creuse entre cette belle ville et ce qui fut appelé "le désert français" . En 1964, avec le peintre Michel Beppoix, il reçoit le prix Robert Laurent-Vibert, remis par la Fondation de Lourmarin.
Claude entame désormais un parcours solitaire, nourri des apports nouveaux des sciences humaines (Orgonomie reichienne), des travaux de François Fontan ...
Les peintures et dessins de cette décennie ne furent exposés qu'à l'occasion des différentes Biennales internationales de Menton. y figurent des schèmes historiques et politiques : Bûcher de, Montségur (1963) à la Biennale de 1964 ; La bataille de Muret (1964) à la Biennale de 1966; Ethnies opprimées (1966) à la Biennale de 1968. Ce triptyque est acquis par l'état et mis en dépôt au musée de Menton. Trois grands dessins, sur le thème des rapports de force exposés à la Biennale de 1972. Per un uomo, Per un pais (1973), deux peintures dédiées à Salvador Allende et au Chili, seront présentées à la Biennale de 1974.
En dehors de quelques expositions personnelles et de groupe qui lui permettront de découvrir l'Italie (à Naples, galerie Lucerna ; à Castelvoltumo ; à Foggia : galerie Agora), Claude travaille dans son atelier, sourd aux imprécations anti-peinture. Il trouve plus facilement ses points de repères en observant les bouleversements géopolitiques, la vie des sociétés et leurs cultures.

1974
Gaude travaille sur des grands formats sans cesse repris. II n'exposera plus après la Biennale de Menton.
II se marie. Sans ressources, il est contraint d'exercer une activité de libraire dépositaire de presse et ne dispose plus que d'un temps limité pour peindre.

1977
Naissance de son fils Izù.

1978
Voyage éclair à Paris pour rencontrer Maurice Jardot, directeur de la galerie Louise Leiris. Appréciant ses travaux, celui-ci lui propose de l'aider à faire connaître sa peinture.

1979
Mort brutale'de François Fontan. Ses amis redoublent d'efforts pour diffuser sa conception d'un humanisme scientifique. Profondément touché, Claude abandonne ses projets d'exposition. Il rencontre Jean-Louis Veyrac, qui poursuit les travaux de François Fontan.

1980-1984
Sur les conseils de Maurice Gambier, Claude obtient, par voie de concours, un poste de professeur d'enseignement artistique à l'Ecole municipale d'arts plastiques de Niee. Un ami d'enfance, l'architecte Pierre Goujon, lui prête un atelier situé au fond du vallon de là Madeleine à Nice. Dans ce lieu étrange, il renoue avec les travaux en volume de ses débuts. Le peintre fresquiste Patrice Giuge l'initie à la technique du "buon fresco't. Il utilise comme support des toiles de grand format et les. murs de l'atelier. II travaille des bas-reliefs de plâtre polychromes.
Participation à l'exposition "L'écriture dans la peinture", organisée par le Centre national d'art contemporain de Nice (villa Arson). Il compose sur ce thème une peinture (300/200 cm) qui met en évidence une phrase de François Fontan sur la communication humaine (langage-pensée-écriture) : "l'écriture est la communication des sons-idées par un système de signes tracés" (considérée comme un travail ponctuel, la toile sera repeinte).

1985
Les quatre années de travail intense et sans concession dans l'atelier de la Madeleine seront exposées. La ville de Nice, grâce à l'intervention d'Edmond Capelletti et d'André Barthe, organise une rétrospective à l'Espace niçois d'art contemporain, lieu d'exposition qui a précédé l'actuel musée d'art contemporain (MAMAC). Cette exposition fut un hommage rendu à sa mère qui devait décéder peu après.

1986-1995
Invité à la dixième Biennale méditerranéenne organisée par l'Union méditerranéenne pour l'art moderne en 1986, galerie des Ponchettes à Nice.
Une exposition de dessins et maquettes a lieu en 1987 à la Bibliothèque internationale de Bordighera (Italie).
Par l'intermédiaire de Michele Sapone, Claude rencontre Mansouroff et Raymond Rains.
L'atelier de la Madeleine devant être détruit, Claude installe son nouvel atelier dans la grande verrière de la Gare du Sud à Nice. il s'agit d'un espace immense qu'il restaure avec son ami Patrice Giuge. il y travaille à des toiles monumentales d'une exécution très poussée, dont deux versions de la Cène, agape médiévale et agape Renaissance (700/260 cm), réalisées à partir d'ébauches et maquettes. Une partie de ce travail est présentée dans le haut pays niçois, à Valberg.
il pratique également l'art monumental (fresque, badigeon ... ). Avec Patrice Giuge, il organise plusieurs chantiers liés au projet d'une unité d'enseignement axée sur ces disciplines.

1995-2000
Claude doit quitter la Gare du Sud. il réinstalle son atelier à Annot. Début d'une période fertile sur tous les plans: travail, culture, société et vie privée. Les événements corroborent les écrits de François Fontan en Asie, en Afrique, aux Amériques, en Europe, en Europe de l'Est. Ben publie les travaux de Jean-Louis Veyrac, analyse objective de l'évolution de notre société.
"Les communautés ethno-culturelles sont les collectivités de base de l'humanité. Les langues et les cultures fondent les rapports humains et elles sont, de loin, plus vieilles que tous les Etats. Elles sont les facteurs de socialisation et d'intégration principaux. C'est donc à partir d'elles que doivent être définies les règles de la vie internationale pour un véritable "nouvel ordre mondial". Un monde des ethnies et des cultures solidaires 'doit succéder au monde des Etats rivaux. Sans verser nullement dans un utopisme naïf." Jean-Louis Veyrac (Texte de la conférence prononcée à Limone Piemonte lors du "Rescontre Occitan", 7 juillet 1996).
En 1995, Michele'Sapone conduit Jean Queyrel, amateur d'art et collectionneur, dans l'atelier de Claude, Celui-ci lui propose d'exposer ses peintures à la galerie du Comté qu'il vient d'ouvrir à Nice. il s'ensuit deux expositions et une collaboration amicale. En 1996, à l'occasion du Cinquantenaire de la fondation de l'Union méditerranéenne pour l'art moderne, la toile Requiem (300/200 cm), inspirée de la peinture murale. du .Jugement Dernier de la cathédrale d'Albi (Tarn), est présentée à la galerie des Ponchettes à Nice.
En 2000, Frédéric Altmann, directeur du Centre International d'Art Contemporain de Carros, programme une exposition personnelle d'œuvres récentes.

 

Pendant de nombreuses années, Claude a exploré une fascination pour l'art des " société primitive ".

En 2014, quand Izù Troin a été sollicité pour réaliser un film en hommage à la grotte de Chauvet, une collaboration s'est formée. En étudiant les peintures trouvées au fond des grottes et en utilisant des outils pratiquement inchangés, du charbon de bois artisanal et des pigments précieux, Claude a créé des images qui rappellent de façon vivante le monde d'il y a 36 000 ans.

Par le biais du film et de la lumière, et en utilisant le fusain et la peinture, les deux artistes ont développé une abstraction contemporaine de formes et de textures. Le film qui en résulte fait partie d'une collection de 15 courts métrages intitulée 36 000 ans plus tard, produite par Folimage avec ARTE et le soutien de la région Rhône-Alpes.

Une exposition des peintures de Claude Troin ont eu lieu chez Maestro Arts en juillet/août 2013 et en septembre 2015, tandis que d'autres œuvres ont été incluses dans une exposition de groupe en mars 2014. La dernière exposition de Claude chez Maestro Arts remonte à janvier 2016.

Claude Troin est decédé le 27 novembre 2019